Balle dans un filet de tennis

Comment être en paix avec ses fautes au tennis ?

Aujourd’hui, quand je regarde des joueurs en match, je les vois s’agacer, se blâmer voire s’engueuler à chaque fois qu’ils font une faute. En général, ces remarques sont accompagnées de conseils techniques qu’ils se disent pour eux-mêmes :

  • Plie tes genoux
  • Regarde la balle
  • Joue simple

Ils pensent qu’en corrigeant ces aspects, ils arrêteront de faire des fautes. Est-ce ta manière de penser aussi ?

Plus ton niveau est élevé, moins tu fais de fautes ?

Bah… pas vraiment en fait. Parce que dans ce cas, il va falloir m’expliquer pourquoi les pros font encore des fautes directes. Auraient-ils des lacunes techniques ? Est-ce qu’à ce niveau ils continuent à ne pas assez plier les genoux ? Je te laisse aller leur expliquer.

En fait, la durée moyenne d’un point tourne autour des 20 secondes, quel que soit le niveau.

Hein ? Mais pourquoi ?

Pour une raison très simple en fait : mieux tu sais taper dans la balle, plus tu vas tenter des frappes compliquées et donc, prendre des risques. Comme ton niveau augmente, tu vas vouloir jouer plus vite, en donnant plus d’angle et de rotation à ta balle. Et c’est complètement normal (qui a envie de jouer à la ba-balle pendant 1h ?! Bon ok à part les 2 jeunes qui ont établi le record du point le plus long à 1h31 !!)

Plus ton niveau est bon, plus tu veux faire des frappes de qualité.

Si tu fais le compte : meilleure qualité de balle / plus de risques = un taux d’erreur qui reste globalement le même, que tu sois débutant ou confirmé.

Blâmer un point technique à chaque faute et te dire : “si je corrige ce ça, je ne ferai plus de faute” est complètement illusoire. Je suis rarement aussi catégorique, mais là, pas de doute possible. Tu t’enfonces plus qu’autre chose. Un certain nombre de fautes est inévitable : erreur de calcul de trajectoire de la balle, de la raquette, de coordination, de timing… Les raisons de la faute sont nombreuses.

Pourquoi les joueurs de tennis sont comme ça ?

Quand je regarde les joueurs du club de basket d’à côté, eux aussi font des erreurs, ratent des shoots. Mais il n’y a pas réaction négative en cas d’échec. Je n’entends aucun joueur dire : “Ah, plie plus tes jambes !”. Ils savent pertinemment que le 100% est inatteignable et qu’ils rateront encore des centaines de tirs dans leur carrière.

Au tennis, les joueurs s’engueulent presque à chaque fois ! Ils sont extrêmement exigeants envers eux-mêmes. Pourquoi ? Non sérieusement pourquoi ? Si tu as une idée d’explication, note la en commentaire en dessous

On l’a vu, la durée moyenne d’un point avant la faute est d’une vingtaine de secondes. Quand le point débute, ce n’est qu’une question de temps avant l’erreur. Une comparaison : une faute au tennis, c’est comme un feu rouge quand tu conduis en centre-ville. Un feu rouge c’est chiant, ça interrompt ton trajet. Mais est-ce que tu peux vraiment t’énerver contre un feu rouge ? Non, il est là et c’est tout. Quand tu commences à conduire, ce n’est qu’une question de temps avant de tomber sur un feu rouge.

La réalité des sports

De part leur conception, les sports ont été créés de manière à ce qu’ils ne soient pas maîtrisables à 100%. 

Meilleurs taux de réussite de lancer franc en NBA :

Reggie Miller : 88.77%

Kobe Bryant : 83.69%

Micheal Jordan : 83.52 %

Allez dire à Kobe Bryant ou Michael Jordan qu’ils ne sont pas au niveau et qu’ils devraient corriger leur technique. À première vue : dirais-tu qu’ils peuvent faire mieux ou que le 100% est inatteignable ?

Statistiques de 2ème balle dans le carré en finale de Wimbledon en 2019

Roger Federer (70/76) = 92% – Novak Djokovic (73/82) = 82%

J’ai pris les statistiques sur les 2ndes balles car ce sont celles où le risque pris par le serveur est minimal (le but étant d’engager le point à tout prix). Et pourtant, tu le vois bien : même les meilleurs joueurs mondiaux, sur un coup ultra-safe, ne sont pas à 100% de réussite ! 

Il faut donc le comprendre : aucune de statistiques d’aucun sportif professionnel (avec un minimum de carrière) ne pourra atteindre le 100%.

Du coup, attendre de toi-même de faire 0 faute est littéralement impossible. Cette demande est complètement disproportionnée comparée aux capacités humaines.

Tu pourrais me répondre : “Oui mais le court est quand même grand. C’est pas compliqué de mettre la balle dedans !”  Certes, mais tu vises souvent le centre du court ? Non, tu vises un angle, un long de ligne, une zone du filet ou du fond de court. La zone que tu cherches à atteindre n’est pas si grandes que ça. Encore une fois, la qualité de balle que tu veux jouer (et donc la dose de risque que tu prends) augmente avec ton niveau de jeu.

Pourquoi tu rates alors ?

1. Tu ne sais pas exactement ce que tu veux faire au moment de la frappe

Le tennis demande une grande capacité d’analyse : 

  • Où est la balle ?
  • Où va-t-elle ?
  • Où est mon adversaire et comment se déplace-t-il ?

Ton cerveau doit répondre à toutes ces questions dans la demi-seconde qui suit le départ de la balle de raquette adverse ! À partir des premières réponses, tu dois encore répondre aux questions suivantes :

  • Où est-ce que je veux jouer ma balle ?
  • Comment faut-il que je me place pour frapper ma balle ?
  • Est-ce que, avec mon déplacement, je vais être en capacité de jouer ce coup ?
  • Sinon, je joue quoi à la place ?

Tout ça pour une seule frappe et le match vient de commencer ! Une partie de tes fautes vient de là : une prise de décision ou un changement de plan trop tardif. Tu n’as pas le temps d’adapter correctement ta frappe à la balle qui arrive.

Pour la plupart des joueurs loisirs et jeunes, le tennis est tout simplement un jeu trop rapide pour prendre la décision et ajuster tous ses mouvements. Surtout quand on remarque qu’en plus de tout ça, il faut :

  • une grande coordination avec dissociation du buste et du bas du corps.
  • une acuité visuelle qui te permet de suivre une petite balle jaune de moins de 7 cm de diamètre qui file à toute vitesse.

À ce niveau-là, on finit par se demander comment il est juste possible de frapper dans une balle tout court !

Note : 1° d’écart d’orientation de ta raquette au moment de la frappe donne plus de 41 cm d’écart de l’autre côté du terrain !

Définis la trajectoire ET la hauteur de la balle

Après avoir fait une faute, quand on demande aux joueurs quelle était leur intention, la majorité des joueurs vont répondre “mettre la balle à tel endroit”. C’est insuffisant. En plus de la trajectoire que tu as envie de donner à la balle, avant la frappe, il faut que tu définisses la hauteur que tu veux. Est-ce que ta balle va être tendue et passer au ras du filet ? Est-ce que tu vas prendre une marge de sécurité ? Ou est-ce que tu vas beaucoup lifter pour passer à plus de 50 cm de filet ?

En cas de faute, avant de blâmer ton jeu de jambes ou quoi que ce soit d’autre, vérifie que tu avais clairement décidé ce que tu voulais faire de cette balle. Si ce n’est pas le cas, fais d’abord l’effort de réfléchir à la hauteur et la trajectoire de la balle que tu as envie d’envoyer.

2. Le tennis est difficile

On l’a vu, tous les sports ont été conçus pour ne pas être maîtrisables à 100%. Et c’est là tout leur intérêt : comme ils ne sont pas maîtrisables, on peut voir un champion tomber de son piédestal du jour au lendemain. En tant que spectateur, le sport devient fascinant et imprévisible. Tu imagines un panier de basket de 5 mètres de diamètre et une distance de lancer franc de 2 mètres ? Aucun suspens, aucun enjeu donc aucun intérêt.

Je ne dis pas ça pour nous jeter des fleurs. Le tennis est un sport qui, d’un point de vue extérieur, paraît simple mais qui est extrêmement exigeant. Prends 2 adultes sans entraînement physique particulier. Demande leur de jouer au badminton ou au tennis de table. En 5 minutes, ils auront intégré la notion de distance avec la raquette et la balle ou le volant. En 30 minutes, ils seront capables de faire des séries de coups et des points un peu accrochés. Demande leur maintenant de jouer au tennis. Même au bout d’une heure, il est peu probable qu’ils puissent enchaîner plus de 4 frappes au-dessus du filet. À cause de tout ce qu’on a vu au chapitre précédent, le tennis est un des sports les plus exigeants. Il est donc tout à fait normal de faire des fautes en pratiquant ce sport compliqué.

Quand je rate, ce n’est pas “moi” qui rate

Je parle de moi, le Romain conscient de ce qu’il fait. En fait, c’est le cervelet, une partie du cerveau située à la base du crâne, qui est responsable de la coordination, de la synchronisation et de la précision des gestes. C’est notamment lui :

  • qui calcule le timing à partir de vitesse estimée de la balle
  • qui envoie des commandes à mes 639 muscles
  • qui coordonne le tout dans une séquence précise
  • qui me permet de te maintenir en équilibre pendant ces mouvements (ça serait dommage de tomber)

Le cervelet a une méthode d’apprentissage particulière : l’apprentissage par l’échec. Il se trompe et il corrige pour les prochaines fois. Prenons l’exemple d’un bébé qui commence à apprendre à marcher. Le cervelet essaie de synchroniser l’ensemble des muscles pour maintenir l’équilibre sur les 2 pieds. Le bébé tombe. Le cervelet reçoit des informations de l’oreille interne et des muscles pour comprendre pourquoi il est tombé et pouvoir corriger les erreurs passés. Au fur et à mesure de son apprentissage, le cervelet intègre les informations de plus en plus vite. C’est pour ça qu’aujourd’hui, quand tu te sens déséquilibré, tu peux faire un petit pas de côté pour te rattraper avant de tomber. 

Donc cette partie de ton cerveau est en perpétuel ajustement à partir des informations que les nerfs lui envoient. 

En somme, je sais que :

  • mon cervelet fait des calculs complexes. Et plus c’est complexe, plus la possibilité d’échec est grande.
  • je ne joue pas depuis l’âge de 4 ans, âge auquel le cervelet est en pleine formation avec une capacité d’apprentissage maximale.
  • je ne joue pas tous les jours. Et je ne joue pas tout le temps en condition difficile. Donc je ne stimule pas mon cervelet au maximum à chaque fois que je pratique le tennis.
  • je ne suis pas motivé à me donner à 100% de mes capacités sur chaque balle que joue. Je fais parfois moins d’effort, j’accorde moins d’attention à mes frappes.

En étant parfaitement conscient de ces points, à partir du moment où j’ai un plan de jeu défini, j’ai arrêté de me frustrer à chacune de mes erreurs. Les seules fois où je m’engueule, c’est quand je joue sans intention. Parce que je ne sais pas où je veux envoyer la balle, je fais plus de fautes. Mais à partir du moment où je sais ce que je veux faire, je n’ai aucune raison valable de m’agacer sur mes fautes. Les erreurs font partie du jeu. Les feux rouges font partie du trajet.

Pourquoi être négatif gangrène ton jeu ?

Une fois que la balle est sortie de ta raquette, tu ne contrôles plus rien. Sinon, personne ne fera plus jamais de fautes. Ce n’est qu’une question de temps et de probabilité avant l’erreur. Donc les erreurs font partie intégrante de la partie. Les fautes ne sont pas maîtrisables. Et puisque tu n’as aucun contrôle sur la balle après la frappe, les erreurs ne sont pas de ta faute. Et pourtant, beaucoup trop de joueurs se prennent la tête et s’engueulent à chaque échec. Quand on y réfléchit, c’est complètement illogique.

Pour ne rien arranger, quand tu es négatif à propos d’une faute non-maîtrisable, tu perds petit à petit confiance en ton jeu, en tes coups. Tu commences à hésiter au moment de la frappe et à retenir ton bras. Et, à cause de ces doutes, tu commences à faire des fautes sur des balles qui étaient maîtrisables.

Si tu ne te permets pas d’échouer de temps en temps, tu rentres dans le cercle vicieux de la négativité et de la perte de confiance.

Conclusion

Les fautes au tennis sont purement et simplement inévitables. Aussi inévitables que des lancers francs au basket. Aussi inévitables que les feux rouges au volant. Et pourtant, la plupart des joueurs de tennis n’acceptent pas cette réalité. Ils pensent que chacune de leurs fautes à une origine dans la technique de leur jeu et qu’en corrigeant ça, ils arrêteront de faire des fautes. Ils pensent également qu’en s’entraînant suffisamment longtemps, ils ne feront plus aucune faute directe ou de double faute. Si c’est également ce que tu penses, pratiquer le tennis va devenir, lentement mais sûrement, une réelle souffrance.

Ce n’est pas ce qu’il se passe dans la réalité du monde véritable. Dans la réalité, les règles sport a été conçu pour ne pas être entièrement maîtrisable et les capacités humaines (du cervelet) sont limités. La réalité est là : tout le monde rate, tout le temps, et tout le monde continuera à rater. Alors, pourquoi s’énerver quand tu rates ? Tes attentes ne sont manifestement pas alignées avec la réalité. Et au bout du compte, c’est toujours la réalité qui gagne. Se battre contre elle est complètement inutile et source de douleur émotionnelle. 

Porte plus ton attention sur la manière dont tu veux taper la balle et moins sur tes fautes.

Prends quelques minutes pour réfléchir à ce que tu viens de lire. Ensuite, vérifie que tes attentes sont en adéquation avec la réalité et ajuste les si besoin. Si tu fais cet effort, le tennis verra que le tennis, ce n’est que du plaisir.

Tu rates trop souvent tes points importants ? Tu te mets la pression à cause du score ?
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Cet article a 11 commentaires

  1. Vincent

    Super article !

    Une des causes (je pense) qui fait que le tennis est un sport rageant est le fait d’être seul sur le court.

    On ne peut donc s’en prendre qu’à soi-même. (et casser sa raquette dans son coin…)

  2. Romain

    C’est l’impression qu’on a. Pourtant, on joue bien contre un adversaire qui a un style de jeu particulier, dans des conditions particulières (vent, soleil, bruit, club inconnu, etc). Il y a donc beaucoup de paramètres qui rentrent en compte pour « expliquer » nos fautes.
    Mais c’est vrai qui n’a pas d’esprit d’équipe pour t’aider à te tirer vers le haut en cas d’erreur.

  3. Cy

    La différence entre le tennis et d’autres sports, notamment le basket comme dans l’article est qu’une faute engendre systématiquement une perte de point! Rater un panier au basket ne donne pas de point à l’adversaire et peu se rattraper

  4. Romain

    Mais comme dans les autres sports, une faute donne une chance de plus à l’adversaire de nous rattraper ou de prendre de l’avance au score.

  5. Yann

    Selon moi la plupart des joueurs de tennis s’engueulent eux-mêmes sur chaque faute car … auparavant leur entraîneur/coach les ont engueulés pour la même raison!

    – « Ne fait pas de faute!! »
    – « Arrête ces doubles-fautes!! »
    – « Garde ta balle dans le terrain!! »
    – « Mais bon sang, apprend à jouer tennis-pourcentage!! »

    … et d’autres phrases du genres que tout tennisman a pu entendre le concernant.

    Et pourtant, je reste persuadé comme ton article l’indique qu’il vaudrait mieux se focaliser sur l’intention et encourager chaque joueur dès son plus jeune âge à « oser » frapper ses coups, toucher des zones gagnantes, le tout en le félicitant chaque fois que son intention était bonne, même si sa balle sort de quelques centimètres.

    C’est cela qui permettrait à son cervelet de se régler! Et pas l’angoisse de faire une faute.

  6. NM

    Ce qui serait bien, c’est d’écrire des articles persos au lieu de reprendre les articles de feeltennis.net.

  7. Romain

    Bonjour. J’ai écrit les miens. Pour celui-ci, oui j’ai traduit l’article de feeltennis. Mais je ne prétends à aucun moment être l’auteur premier puisque je cite et référence l’article original de feeltennis.net

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